Tentative unique de Fiat dans le très haut de gamme en après-guerre, la 130 a été un échec commercial quasi-total. Dommage, car il s’agit d’une auto sophistiquée et, en coupé, d’une beauté stupéfiante.
Apparue en 1971, la Fiat 130 Coupé contient les gênes du style des berlines Peugeot des années 70. Les modèles initialement vendus en France disposent de projecteurs jaunes.
Les collectionnables, c’est quoi ?
Ce sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Pourquoi la Fiat 130 Coupé est-elle collectionnable ?
Objet extrêmement rare, la 130 Coupé est une auto de grande classe, un genre que Fiat n’abordera vraisemblablement plus jamais. Elle arbore une carrosserie extraordinaire, à la fois superbe et fonctionnelle, qui fera d’ailleurs école : d’elle découle le style Peugeot des années 70, puisqu’elle contient la 604, la 505, voire la 305. La Ford Granada de 1977 lui doit aussi beaucoup. Méconnue mais d’une importance historique, la 130 coupé profite aussi de trains roulants et d’une mécanique raffinés.
Durant les années 60, Fiat connaît une expansion exceptionnelle. La gamme se développe tous azimuts, au point que le constructeur couvre à peu près tous les segments de marché, un peu à l’image de Volkswagen actuellement. Tous sauf un : les berlines de très haut de gamme.
La direction de Fiat décide au creux de la décennie 60 d’y remédier, contre l’avis de Dante Giacosa, son talentueux directeur du développement. Celui-ci, soucieux de motoriser le plus grand nombre à moindre coût, estime que le géant italien n’a rien à faire dans cette catégorie, même si les grandes 2100/2300, lancées en 1959, n’y ont pas démérité. Mais de là à attaquer Mercedes… Il rechigne aussi parce qu’il sait que son bureau d’études manque d’effectifs.
Seulement, la direction se moquant bien de ce qu’il pense, ne le lui demande donc pas : les Agnelli, propriétaires de Fiat, veulent leur auto de luxe. Il faut se mettre au travail en 1963, et c’est dur, car on développe simultanément les futures 124, 128 et Autobianchi A112…
Néanmoins, Giacosa agit en maître d’orchestre habile, et délègue comme il faut la conception de la grande Fiat : Ettore Cordiano, son plus proche collaborateur, en est le chef de projet, Aurelio Lampredi, transfuge de Ferrari, s’occupe du moteur, et Sergio Camuffo, qui deviendra plus tard le directeur du développement de Lancia, est en charge du châssis. Pour le design… La direction de Fiat changera plusieurs fois d’avis, mais la grande voiture prestigieuse, dénommée 130, sort finalement en 1969.
À sa sortie en 1969, la Fiat 130 berline déçoit par sa ligne certes élégante mais banale, rappelant trop celle de la plus petite 125.
Esthétiquement, c’est un peu une déception. Elle ressemble, en hypertrophiée, à la Fiat 125, plus petite et sortie deux ans auparavant. À l’intérieur, le grand tableau de bord simpliste et doté d’un compteur à bandeau, déjà vieillot, ne fait pas meilleure impression. Problème, le prix est très élevé (34 950 F, soit 39 200 € actuels selon l’Insee), et la BMW 2800, certes moins spacieuse mais autrement réputée et puissante (170 ch contre 140 ch pour l’italienne) ne réclame que 950 F supplémentaires, donc la Fiat 130 se vend initialement très mal. Dommage, car techniquement, c’est une réussite. Sa suspension, comprenant des roues arrière indépendantes et soigneusement guidées, est même un modèle du genre. Tellement plus évoluée que l’archaïque essieu brisé des grandes Mercedes !
Le tableau de bord la berline 130 2800 semble trop basique pour une berline de sa catégorie. Ici, en 1969.
Et s’il manque de puissance, le bloc de la 130, un V6 2,8 l à carburateur, qui n’a d’ailleurs rien à voir avec celui de la sportive Fiat Dino, recourt à des technologies alors avancées, comme la distribution à courroie crantée et un arbre à cames en tête par rangée de cylindres. Il s’attèle par défaut à une boîte automatique 3 vitesses Borg-Warner, un choix discutable, ou, en option gratuite, une boîte mécanique ZF à 5 rapports, quand la concurrence se contente la plupart du temps de 4. La 130 se révèle néanmoins tout aussi rapide en automatique qu’une Jaguar XJ6 2,8 l manuelle !
En 1970, Fiat porte la puissance du 2,8 l à 160 ch, mais ça ne suffit pas à relancer les ventes. Persévérant, le turinois abat une carte qu’il croit décisive au salon de Genève 1971 : il propose sa 130 en coupé. Cette fois, il a confié le dessin de la carrosserie à un grand nom du style, Pininfarina. Paolo Martin, un de ses designers, produit un dessin extraordinaire.
En 1971, tout change : Pininfarina produit un coupé extrêmement élégant, qui préfigure quelque peu les Ferrari 365 GT4 2+2 et Lancia Gamma Coupé.
Tout en lignes tendues, la 130 Coupé se révèle d’une élégance rare, et recèle des détails raffinés, comme le couvercle de coffre intégrant un discret béquet. Cette robe de grande classe est d’ailleurs primée.
Sous le capot, le V6 passe à 3,2 l (165 ch), tandis que dans l’habitacle, spacieux, le tableau de bord est totalement redessiné. Arborant des cadrans circulaires, deux boîtes à gants et des parements en bois, il est enfin digne de la catégorie. Le prix aussi : 56 300 F, soit 56 200 € actuels selon l’Insee. À titre de comparaison, une BMW 3.0 CS revient à 57 500 F et une Citroën SM à 58 200 F.
Malgré sa beauté, la 130 Coupé ne rencontre pas le succès. La 130 berline, dotée elle aussi du nouveau tableau de bord et du V6 3,2 l, ne progresse pas non plus commercialement. Le duo va continuer à vivoter jusqu’en 1977, sans connaître d’évolutions notables. Dommage quand on sait qu’une injection avait été prévue ! 4 491 coupés et 15 093 berlines seront produits, bien loin des 20 000 unités annuelles prévues. Pininfarina avait bien proposé des versions 4 portes (Opera) et break de chasse (Maremma), dérivant du coupé, mais Fiat, en proie à des difficultés commerciales, a dit non.
Peu après le coupé, en 1971, la berline reçoit le moteur 3,2 l et le nouveau tableau de bord. Mais l’extérieur n’évolue pour ainsi dire pas.Combien ça coûte ?
Rares et raffinées, les 130 ne sont pourtant pas très cotées. Une berline 2,8 l automatique se négocie 8 000 €, contre 10 000 € à une 3,2 l, en très bon état. Ajoutez 1 500 € pour une version à boîte manuelle, plus rare. Quant au coupé, comptez plutôt 15 000 € en automatique et 20 000 € en manuelle. Évidemment, si vous dénichez des autos parfaites, n’hésitez pas à dépenser plus.
Le tableau de bord du coupé, en 1971 : très complet, il comporte même un accélérateur à main, à côté du levier de vitesses, alors que les aérateurs latéraux distribuent de l’air frais ou chaud, indépendamment à droite de la gauche.Quelle version choisir ?
Que ce soit en coupé ou en berline, préférez les versions manuelles. Outre une bien meilleure vivacité, la boîte mécanique abaisse nettement le régime du moteur sur autoroute, grâce à un étagement final plus long : 36 km/h pour 1 000 tr/min en 5e contre 32.
Un profil d’une élégance suprême, qui ne néglige pourtant pas l’habitabilité. Belle synthèse ! Les versions collector
Toutes, à partir du moment où elles sont en parfait état, ce qui est très peu courant. Mais le coupé manuel, produit à moins de 1 000 unités, a la préférence des collectionneurs. L’intérieur en velours orange est un must, tout comme la sellerie cuir. D’origine, la peau couvre tout le pourtour du siège : attention aux transformations artisanales.
Mécaniquement, la 130, ici en coupé, se révèle robuste et d’un entretien aisé. Notez la belle suspension arrière indépendante, parfaitement guidée. Sur le coupé, le différentiel arrière à glissement limité est de série.Que surveiller ?
Mécaniquement, la 130, ici en coupé, se révèle robuste et d’un entretien aisé. Notez la belle suspension arrière indépendante, parfaitement guidée. Sur le coupé, le différentiel arrière à glissement limité est de série.
Contrairement à ce qu’on imagine, la 130 est fabriquée avec des tôles épaisses et d’une qualité convenable (engendrant un poids élevé). Néanmoins, la rouille peut sévèrement attaquer, notamment les passages de roues arrière, les bas de caisse, les planchers, les coins de portières… Mais ce n’est pas pire (voire mieux) que chez BMW par exemple. Attention, sur le coupé, le pare-brise et la lunette arrière sont collés, ce qui complique les opérations de restauration. Sur les 2,8 l, le carburateur est sensible au vapor-lock, tandis que, globalement, on examinera de près les connexions électriques, souvent capricieuses.
Suprême élégance du coupé 130 vu de ¾ arrière. Ces jantes en alliage Cromodora lui sont spécifiques.
Dans l’habitacle, le velours de la sellerie du coupé, inspiré de celui des sièges des trains de première classe italiens, finit par se désagréger (on parle d’autos ayant plus de 40 ans), tandis que la coiffe du tableau de bord se fendille sous les effets du soleil, au fil des années. Là encore, la 130 n’est pas plus mal lotie que ses rivales, même allemandes, de l’époque.
Pour sa part, le V6 se révèle solide et peu contraignant à entretenir, nécessitant des réglages bien moins complexes et fréquents que le V6 Dino. Il faut simplement en changer la courroie (une opération simple) tous les 40 000 km. Pas de soucis particuliers non plus côté boîte.
Le vrai problème des 130, c’est la disponibilité des pièces détachées. Ça va encore pour l’entretien courant, mais, par exemple, les amortisseurs et silentblocs de suspension s’avèrent difficiles, voire impossibles à trouver. Quant aux roulements de roue, ils coûtent 200 € pièce : il est donc crucial de se doter d’une auto complète et en parfait état.
Au volantDynamiquement, le coupé 130, ici un modèle de 1972, dévoile des talents insoupçonnés tant qu’on ne le prend pas pour un engin sportif.
J’ai pu longuement conduire un coupé à boîte manuelle de 1972. Cette voiture est puissamment belle, bien plus par exemple qu’une Mercedes-Benz SLC : ça n’engage que moi, mais j’assume. Dans l’habitacle, on découvre un tableau de bord très complet et joliment fini, alors que le velours épais et les parements en bois font bel effet. Une présentation nettement plus flatteuse que celle d’une BMW 2.8 CS ! Si l’équipement est complet (vitres électriques et teintées, antenne électrique, aérateurs arrière), la climatisation se révèle redoutablement complexe à utiliser.
Heureusement, grâce à un siège réglable en hauteur, ainsi qu’un volant ajustable lui aussi en hauteur et en profondeur (chose très rare à l’époque), on dispose d’une bonne position de conduite. Cette voiture comporte son lot de bizarreries amusantes : des poignées cachées dans les panneaux latéraux arrière permettent d’entrebâiller les vitres, tandis qu’un levier situé à droite du volant ouvre la porte passager : idéal pour embarquer une autostoppeuse sans quitter le volant… Enfin, une sonnerie de réveil-matin retentit si on oublie de desserrer le frein à main de type « fly-off », situé à gauche du siège conducteur, par ailleurs un peu trop ferme.
Très belle sellerie seventies en velours orange. Le volant Nardi en bois n’est ici pas d’origine.
Souple, le moteur se montre agréablement réactif et procure d’excellentes reprises à mi-régime. Vigoureux, il donne l’impression de disposer de nettement plus de 165 ch, même s’il ne pétille pas en haut du compte-tours. Sur autoroute allemande, j’ai tout même accroché 208 km/h au GPS ! Il sonne de surcroît très agréablement, ce qui compense son léger manque de douceur. Quant à la boîte 5, elle dispose d’une grille inversée (1re en bas à gauche). Rétive à froid, elle s’améliore nettement à chaud, devenant plaisante à manier, ce que complète un étagement judicieux.
Pour sa part, la direction, bien assistée, apparaît précise, alors que le châssis surprend par son homogénéité. Équilibré et sain, il engendre un excellent comportement routier, complété par un bon confort de suspension. Évidemment, il y a du roulis, mais moins que sur une Mercedes SLC, et l’ensemble n’est pas sportif, même si l’autobloquant améliore la vivacité de la poupe en conduite active. Enfin, le freinage dévoile une bonne efficacité pour son époque. En revanche, l’insonorisation reste loin de celle d’une Jaguar XJ, mais la 130 Coupé est une très belle autoroutière, tout à fait compétitive face à ses rivales plus prestigieuses, et pas si gourmande : comptez en moyenne 12 l/100 km pour une auto bien réglée en conduite tranquille.
L’alternative newtimer*Volkswagen Phaeton (2002-2016)Lancée en 2002, la grande berline Phaeton symbolise les ambitions démesurées de Ferdinand Piëch pour Volkswagen.
De la même manière que les Agnelli voulaient leur auto de prestige, Ferdinand Piëch, grand patron du Groupe VW voulait doter Volkswagen d’une rivale des Mercedes Classe S et autre BMW Série 7. Le but : faire monter en gamme la « voiture du peuple ». Cela donne en 2002 une grande berline hyper sophistiquée, la Phaeton. Suspension pneumatique, quatre roues motrices, moteur W12 6,0 l de 420 ch… L’auto est hors de prix, mais se montre un peu plus abordable à mesure que sortent des blocs supplémentaires : V6 3,2 l de 241 ch, V10 TDI de 313 ch, V8 4,2 l de 335 ch, V6 TDI de 240 ch…
Très réussie techniquement, la Phaeton se vend mal, mais peu importe, elle est juste là pour le prestige. Partageant sa plate-forme avec la Bentley Continental GT, elle est d’un confort et d’une sécurité impériaux, ce qui fait d’elle un beau vaisseau pour autoroute allemande. Volkswagen le fait perdurer jusqu’en 2016, après l’avoir restylé en 2007 et en 2010. 84 253 unités ont été fabriquées, un score pas si mauvais. À partir de 4 500 €.
En Italie, la 130 coupé était livrée avec une plaque d’immatriculation arrière carrée. Elle bascule pour révéler la serrure du coffre. En France, cette plaque est rectangulaire, horizontale et fixe.Fiat 130 Coupé (1972), la fiche technique
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Le magnifique break de chasse Maremma, réalisé à la demande de Gianni Agnelli par Pininfarina en 1974. 3 unités auraient été fabriquées.
* Les newtimers sont des véhicules iconiques ou sportifs plus récents que les youngtimers, mais dont la valeur monte. Plus fiables et faciles à utiliser au quotidien, ils doivent leur essor à des caractéristiques techniques souvent disparues, comme de gros moteurs atmosphériques. Les BMW Z3 à 6 cylindres, Porsche Boxster 986 et autre Renault Clio V6 représentent bien cette nouvelle tendance.
En 1974, Pininfarina propose à Fiat cette berline Opéra, une variante à 4 portes du coupé 130. Elle demeurera lettre morte.